Pour Alla Rusu.
Saint Pétersbourg. Venise. Reims. Paris. Orléans. Chartres. La Grèce. Londres. Budapest. Le Danube. La Neva. Et puis Saint Pétersbourg encore. Saint Pétersbourg toujours. Pour dire cette rencontre tellement étrange au bord du golfe de Finlande entre les perspectives imaginées par les architectes du XVIIIème siècle, les ciels du Nord où règne le soleil de Minuit et les églises orthodoxes avec leurs bulbes et leurs clochers blancs. La rencontre entre le ciel et la terre, la sainte Russie et la Russie moderne, la tradition et le monde tel qu’il est. Moderne ; Actif. Violent. Humain. Terrestre.
Deux choses frappent dans le voyage pictural que nous propose Alla Rusu. L’image brossée et l’alliage entre le dessin à l’encre de chine et les couleurs mouillées de son aquarelle. Quand elle peint, c’est l’émotion qui parle. L’émotion fondamentale. On la devine, marchant dans le long de la Seine à Paris, arrivant à Venise à la gare de Santa Lucia, face à Buckingham ou à l’Ermitage. Et soudain, l’intuition, le saisissement, le sentiment intense, brûlant, qu’il faut peindre ici, maintenant, tout de suite. Parce que c’est la vie qui parle et que la vie n’attend pas. Parce que c’est la peinture qui parle et que la peinture n’attend pas. Parce que c’est l’émotion esthétique qui parle et que l’émotion esthétique n’attend pas. C’est tellement rare l’émotion esthétique. Tellement beau. Tellement précieux. Le peintre japonais ne peint pas un bambou. Il laisse le bambou se peindre à travers lui. Alla Rusu ne peint pas, elle laisse l’émotion devant l’Ermitage ou devant Buckingham au coucher du soleil se peindre à travers elle. D’où ses images brossées à grands traits. Des images pleines de rythme qui racontent l’urgence du sentiment que l’on capte et que l’on ne veut pas perdre. Des images qui de ce fait captent le regard du spectateur en l’emportant dans le rêve du peintre comme un cheval emballé emporte son cavalier dans un galop d’enfer.
Et puis il faut parler de ce mariage, de cet alliage si captivant lui aussi entre le trait à l’encre de chine et les couleurs mouillées des aquarelles. Le trait est précis. Fort. Noir. Il inscrit. Il grave. Il marque. Il fixe. Il dit la raison, la structure, le point fixe sans lequel rien ne peut être. Il est la trace de la loi organisatrice de toute chose. Le Verbe du Père venu d’en haut. Un Verbe contrastant avec la douceur, le féminin des couleurs se fondant les unes dans les autres. Quand on est ému, l’émotion trace à l’encre de chine son impression dans le cœur. Mais en même temps, elle se noie dans les choses et noie les choses en elle en laissant monter cette symphonie des murmures dont parle si bien Jankélévitch pour évoquer la musique et son mystère. Un coucher de soleil sur la Neva à Saint Pétersbourg ou bien Chartres après la pluie lorsque le soleil revient. Alla Rusu sait capter le murmure de l’ineffable à travers ses couleurs remplies d’eau. Elle sait dire l’eau colorée de la douceur impalpable qui saisit parfois les choses ; C’est l’âme qui parle. Une âme pleine d’âme. Dieu est à tout moment présent dans le cours du monde. À travers la discrète beauté qui surgit quand on la laisse surgir. Une discrète beauté qui survient sans qu’on s’y attende. Puissante et délicate à la fois.
La peinture d’Alla Rusu est la promenade d’une âme à travers la vie. Une promenade qui nous emmène avec elle au bord de la Neva ou de la Seine. On pense à Monet quand on regarde ses cathédrales. Monet et sa cathédrale de Rouen transie de lumière scintillant dans l’éblouissement des matins frais et des crépuscules empourprés. Le critère de l’art a toujours été la vie et sera toujours la vie, l’art étant cet esprit qui donne de la vie à la vie en donnant envie de vivre. La peinture d’Alla Rusu parle de cet esprit de vie. Elle donne envie de vivre et de partir avec elle au bord de la Neva. À Saint Pétersbourg. Entre l’Ermitage et la maison de Dostoïevski. Pour se laisser gagner par l’émotion tranquille et douce qui monte parfois de l’existence et de son secret.
Bertrand Vergely
Paris, lundi 7 Avril 2015
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